Qu’est-ce qu’une stratégie de remontée des filières ?
En matière de développement économique, les pratiques diffèrent selon les époques et les pays. Dans la stratégie de remontée des filières, un pays produit d’abord des biens à faible valeur ajoutée, puis s’élargit sur la production de biens à plus haute valeur ajoutée, tout en assurant la conception et la fabrication des composants utiles à leur production. Cette stratégie vise ainsi à développer progressivement les capacités industrielles du pays de façon autonome. L’application de cette stratégie nécessite d’importants investissements dans les secteurs en amont. La stratégie de remontée des filières a permis à certains pays d’obtenir d’excellents résultats économiques, mais d’autres ont échoué. Qu’est-ce que la stratégie de remontée des filières ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? Exemples à l’appui, zoomons sur un mode de développement qui a su faire ses preuves.
La stratégie de remontée des filières : les avantages
Parmi les différentes techniques de développement économique mises en place au fil du temps, la stratégie de remontée des filières présente un certain nombre d’avantages, comme la création d’emplois, le développement des compétences locales et la réduction de la dépendance aux importations ou encore la diversification de l’économie.
- En misant sur la fabrication de produits à faible valeur ajoutée, la stratégie de remontée des filières engendre la création de nombreux emplois, destinés principalement dans un premier temps aux ouvriers non qualifiés ;
- L’expérience et les compétences acquises par ces travailleurs permettent ensuite, localement, le développement de connaissances techniques applicables à une production plus sophistiquée, ce qui favorise avantageusement la diversification de l’économie, qui se renforce alors par simple voie de conséquence ;
- L’essor de la production locale entraîne une diminution des importations au profit d’une plus grande autonomie, renforçant ainsi l’indépendance économique du pays ;
- Cette progression de l’industrie et cette effervescence économique favorisent la compétitivité et l’innovation, encourageant à leur tour les investissements dans la recherche et le développement.
Dans un cercle vertueux, la stratégie de remontée des filières mène alors à une amélioration globale des infrastructures et des équipements dont l’industrie a besoin pour se pérenniser et continuer à se développer.
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La stratégie de remontée des filières : des succès économiques
En adoptant la stratégie de remontée des filières comme modèle de développement économique, deux nouveaux pays industrialisés en particulier sont parvenus à tirer leur épingle du jeu, grimpant avec succès sur la scène du commerce international :
- La Corée du Sud illustre parfaitement la réussite de la stratégie de remontée des filières. Se spécialisant dans le textile dans les années 60, ce pays a su diversifier son industrie en se tournant vers d’autres secteurs plus lucratifs tels que la sidérurgie, l’industrie chimique ou la construction navale, pour évoluer encore dans les années 1980, vers l’automobile ou l’électronique, avec le succès qu’on lui connaît aujourd’hui ;
- Autre exemple de réussite de la stratégie de remontée des filières, Taïwan s’est d’abord concentré sur l’assemblage de produits électroniques simples avant de s’imposer avec brio en leader mondial dans la production de semi-conducteurs et d’autres technologies avancées.
La stratégie de remontée des filières : les inconvénients
Mais l’équilibre économique est fragile. Et comme toute médaille a son revers, la stratégie de remontée des filières présente aussi quelques inconvénients non négligeables :
- Pour espérer rencontrer le succès, cette stratégie doit bénéficier d’un important soutien gouvernemental. En effet, le pays qui choisit cette voie de développement économique doit procéder à des investissements massifs dans la formation, seul moyen d’acquérir les compétences techniques nécessaires pour répondre à l’évolution de son industrie. La stratégie de remontée des filières exige également de gros investissements pour adapter les infrastructures au fur et à mesure de la montée en gamme de l’industrie ;
- La stratégie de remontée des filières oblige ainsi le pays à prendre des risques économiques. Les investissements, s’ils sont mal planifiés ou mal gérés, peuvent en effet conduire à de graves perturbations économiques ;
- Par ailleurs, une évolution rapide de l’industrie peut déséquilibrer les ressources locales, qu’elles soient naturelles ou humaines, et engendrer d’importants problèmes environnementaux, comme la pollution, ou sociaux, en accroissant les inégalités économiques ;
- La stratégie de remontée des filières mène inexorablement à une course effrénée à la compétitivité. L’expansion économique d’un pays au niveau mondial le rend donc forcément dépendant des marchés étrangers, eux-mêmes tributaires des politiques internationales et d’autres grands évènements économiques ;
- Enfin, le développement urbanistique et logistique lié à l’industrialisation massive d’un pays amène souvent à favoriser certaines zones au détriment d’autres, plus rurales, engendrant d’importantes inégalités régionales.
La stratégie de remontée des filières : des échecs
La marche est haute pour accéder à la scène économique internationale. Les trois exemples qui suivent illustrent les exigences multiples de la mise en place d’une stratégie des filières qui permettent de franchir ce cap. En effet, l’apport de capitaux doit s’accompagner concomitamment d’une planification méthodique et d’une gestion rigoureuse pour un développement efficace et pérenne de la compétitivité des industries locales.
En effet, certains pays comme l’Argentine, le Brésil ou le Ghana ont fait les frais de la mise en place d’une stratégie des filières trop ambitieuse et trop coûteuse, ou dont la planification maladroite n’a pas permis d’en recueillir les effets positifs :
- L’Argentine a ainsi considérablement augmenté son endettement extérieur, qui se chiffrait à 45 milliards de dollars en 1982, sans parvenir à élever son industrie locale au rang international ;
- Le Brésil s’est lui aussi enfoncé dans une crise de la dette extérieure dans les années 80, dont le montant s’élevait à 90 milliards de dollars en 1982, sans pour autant résorber le manque de compétitivité de son industrie locale ;
- Enfin le Ghana a lui aussi tenté l’aventure, en investissant massivement mais sans succès dans l’industrie locale. La Volta Aluminium Company (VALCO), dont la construction s’est chiffrée à 200 millions de dollars, n’a ainsi jamais atteint sa pleine capacité de production, maintenant le pays dans l’obligation de poursuivre les exportations de matières premières.
La stratégie de remontée des filières, si elle s’est révélée positive dans bien des cas, n’est donc pas une solution universelle. Il existe d’ailleurs d’autres voies de développement économique, comme la stratégie d’exportation, employée par certains pays asiatiques, ou le développement basé sur les ressources naturelles utilisé en Norvège, ou encore la création de pôles industriels, à l’instar de la Silicon Valley aux États-Unis.
Sources
- https://www.alternatives-economiques.fr/coree-sud-une-strategie-de-developpement-exemplaire/00014666
- https://www.alternatives-economiques.fr/developpement-un-vol-doies-sauvages-liberal/00032813
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouveaux_pays_industrialis%C3%A9s
- https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2016-3-page-67.htm
- https://major-prepa.com/economie/premieres-strategies-developpement-echec-strategies-autocentrees/
- https://www.ey.com/fr_fr/industrial-products/politique-industrielle-et-de-relance-apprendre-des-filieres-strategiques-et-historiques