Boulettes au boulot, qui casque en cas de casse?
Tous les employés ne s’appellent pas Gaston Lagaffe. C’est tant mieux pour les patrons. Et c’est heureux pour les salariés eux-mêmes, car le dommage causé à leur employeur pourrait bien affecter leur propre porte-monnaie.
«Rognetoudjou!» Utiliser le contrat du meilleur client de la boîte pour emballer – tel le garçon de bureau le plus gaffeur de l’histoire de la bande dessinée – le poisson de votre chat, ça, vous ne le ferez pas. Mais il pourrait bien vous arriver d’autres malheurs…
De l’employée d’hôtel qui oublie de réveiller le client pour son avion de 6 heures à la jeune fille au pair qui fiche en l’air la machine à café, en passant par les accidents commis au volant de la voiture de l’entreprise, les histoires du genre ne sont pas rares. L’employé doit-il casquer?
Ça dépend de la gravité de la faute, bien sûr, mais aussi des risques du métier, des qualifications de l’employé, de la manière dont le patron a organisé son entreprise et surveillé son monde. Et même de l’âge du capitaine…
Une chose au moins est claire: si l’employé cause intentionnellement le dommage – au patron de le prouver – il en répond entièrement. Exemples: le caissier qui fauche la recette du jour. Ou le vendeur de voitures qui, sachant pertinemment qu’il n’a pas le droit d’accorder des rabais, consent une telle remise à un ami.
Sorti du dommage intentionnel, ça se corse. L’employé ne devrait pas accepter trop facilement de casquer. La question se pose surtout en cas de négligence grave. C’est-à-dire une faute qu’un autre employé raisonnable n’aurait pas commise, un manquement à la prudence élémentaire.
Exemples: une serveuse, occupée à laver des verres, pose sa bourse sur le comptoir et se la fait voler. Un chauffeur, en retard dans sa livraison, entreprend une manœuvre risquée et provoque un accident.
Dans ce cas, l’employé est en principe responsable. Toutefois, la portion du dommage qu’il doit assumer se mesure en fonction de l’importance de sa faute et de divers autres critères. L’employeur peut avoir sa part de responsabilité s’il a, par exemple, mal organisé son entreprise et que le travailleur était surchargé. De même, c’est au patron à apprécier quelles tâches il peut confier à son employé en fonction de sa formation.
La jeune fille au pair doit recevoir les instructions nécessaires. Le garçon de bureau qui sort d’apprentissage ne saurait se voir confier trop vite la signature de courriers importants. Autre facteur de poids dans cette appréciation: le risque professionnel, qui rend «normale» la survenance d’un dommage.
L’employeur qui peut établir la responsabilité de l’employé est en droit d’opérer une compensation, c’est-à-dire de retenir sur la paie le montant réclamé en réparation du préjudice. En cela, il jouit d’un avantage certain par rapport à d’autres créanciers qui, eux, doivent avoir recours à des poursuites pour saisir le salaire.
Telle est la dure loi du monde du travail. A l’employé qui conteste sa faute d’agir en justice pour obtenir l’intégralité de son dû. Une limite, tout de même: sauf dans le cas où le dommage était intentionnel, il est interdit à l’employeur de retenir le salaire au-delà de ce qui serait saisissable par l’Office des poursuites.